Orthorexie le figaro

Orthorexie le figaro

L'obsession de l'alimentation saine n’est pas considérée comme une maladie à part entière, mais elle touche de plus en plus de gens, notamment à cause de l’influence des réseaux sociaux comme Instagram.

C'est un terme peu connu du grand public : l'orthorexie. Un mot pour décrire une obsession envahissante et bien particulière, celle de l'alimentation saine. « Si j'avais été pris en charge dès le début de mon orthorexie, je ne serais pas tombé aussi bas et j'aurais guéri plus rapidement », confie Maxence Galanti. C'est en 2019 que le jeune homme, conducteur de travaux dans le secteur ferroviaire, sombre. Le déclencheur ? Une simple inscription à une course à pied. Pesée précise des aliments, cuisine exclusivement à l'eau, calcul rigoureux des calories ingérées, pratique sportive intense, isolement social et des heures passées dans les supermarchés à décrypter les étiquettes nutritionnelles deviennent son quotidien. « J'ai perdu une quinzaine de kilos en quatre mois », se souvient le jeune homme aujourd'hui âgé de 25 ans. Il faut attendre le premier confinement, lorsqu'il tombe dans la boulimie, pour qu'il décide de consulter. Il est convaincu que s'il avait été sensibilisé à l'orthorexie, les choses se seraient passées autrement.

Ce comportement alimentaire n'est pas sans conséquences pour la santé mentale et physique de ceux qu'il frappe. Pourtant, aucune prise en charge médicale dédiée n'existe car il est à ce jour impossible de diagnostiquer l'orthorexie : elle n'est pas considérée comme un trouble mental, contrairement aux autres troubles du comportement alimentaire (TCA) comme l’anorexie ou la boulimie par exemple.

L'obsession est pourtant connue depuis presque trente ans. Théorisée par le médecin américain Steven Bratman en 1997, l'orthorexie est un néologisme tiré du grec ancien, orthos signifiant « correct » et orexie « appétit ». La personne touchée trace elle-même la frontière entre le sain et le malsain. Et là où certains contrôlent tout ce qu’ils mangent par peur de s'empoisonner, d'autres le font par souci de leur image corporelle. Dans tous les cas, cette obsession provoque des souffrances. « C'est le caractère obsessionnel et envahissant de l'orthorexie qui fait que ce n'est pas sain », souligne Jean-Michel Lecerf, médecin nutritionniste à l’Institut Pasteur de Lille.

« J'ai éliminé beaucoup d'aliments de mon régime alimentaire, jusqu'à les diaboliser complètement »

Camille Lelièvre, 31 ans, a elle aussi été orthorexique. La jeune femme décrit un « métier à temps plein » : « C'est 24 heures sur 24, tout tourne autour de ça. » Orthorexique et anorexique pendant seize ans, cette ostéopathe a été hospitalisée à cinq reprises, dont une fois en réanimation. Ingérer des « produits avec des pesticides » lui faisait ressentir un « sentiment de viol », qu'elle lie aux incestes subis lorsqu'elle était enfant. Pour Sophie Tercafs, professeur de français de 48 ans, l'orthorexie a débuté il y a trois ans et la suit encore. « J'ai éliminé beaucoup d'aliments de mon régime alimentaire, jusqu'à les diaboliser complètement, » témoigne-t-elle. Pain blanc, lait, poulet, œuf, et « évidemment » fast-food sont bannis.

Ces régimes alimentaires ne sont pas sans conséquences. « Carences », « dénutrition », « poids très bas » et « isolement social » entre autres, énumère Marie Dajon, psychologue spécialisée sur les troubles du comportement alimentaires (TCA). Et dans de nombreux cas, elle suit, précède ou s'accompagne d'une comorbidité – présence d'autres TCA en même temps. D'ailleurs, c'est souvent pour ces autres troubles que les orthorexiques sont diagnostiqués. « Au risque de ne pas soigner » leur obsession de l'alimentation saine, souligne Marie Dajon.

Ce n'est pas reconnu comme trouble du comportement alimentaire

Pour une partie des professionnels de santé mentale, la question de la prise en charge ne se pose même pas. Nombreux sont ceux qui ne souscrivent pas au caractère pathologique de l'orthorexie. C'est le cas de Patrick Raynal, directeur de recherche à l'Inserm : « Je fais partie des dubitatifs. Ce n'est pas parce que l'alimentation saine prend de plus en plus de place dans la société qu'il y a trouble. » Pour l'heure, l'orthorexie n'est pas définie comme un trouble mental par les classifications internationales. Ainsi, le DSM-5 (Manuel de classification et diagnostic des troubles mentaux), élaboré par l'Association américaine de psychiatrie et utilisé par les psychiatres français, ne l'inclut pas.

Et pour de très bonnes raisons, selon le Dr Timothy Walsh, psychiatre américain et président du groupe de travail du DSM sur les troubles alimentaires. S'il ne remet pas en cause les conséquences néfastes de ce comportement, il oppose plusieurs obstacles à sa reconnaissance en tant que trouble. Avant tout, des « zones d'incertitude importantes » dans sa définition, notamment sur « la question de la déficience fonctionnelle », qu’elle soit mentale ou physique. Et il existe une hiérarchie entre les troubles du comportement alimentaire dans ce manuel. Si un patient souffre d'anorexie et de boulimie par exemple, seule la première lui sera diagnostiquée – les caractéristiques et complications étant différentes. « De toute manière, il n'est pas bon que les cliniciens commencent à appliquer un terme diagnostique qu'on connaît si peu », conclut le Dr Timothy Walsh.

Les recherches menées jusqu'ici peinent à se mettre d'accord entre elles. Clotilde Lasson, docteure en psychopathologie, souligne qu'une « grande partie de la littérature scientifique s'est appuyée sur des questionnaires qui considéraient à tort certains comportements comme pathologiques alors que ça n'était pas le cas ». Certains posaient par exemple la question «planifiez-vous vos repas à l'avance», or planifier ses repas à l'avance n'est pas forcément un symptôme d'orthorexie. Et la nature même du trouble explique également ce flou. Déjà, le concept a évolué depuis son identification en 1997. Steven Bratman, derrière la création du mot, note qu'à l'époque, « les orthorexiques étaient soucieux de leur santé. Aujourd'hui, il est rare de rencontrer un orthorexique qui ne soit pas aussi préoccupé par son image corporelle. Si je devais réécrire mon livre, ce thème serait présent partout. Je ne lui avais accordé que quelques paragraphes en 1997 ».

L'orthorexie est donc polymorphe. Le psychologue Alexandre Chapy s'est attaché à décrire ses multiples visages : « Certaines manifestations sont très proches de l'anorexie. D'autres, d'un nouveau trouble. D'autres encore, de l'hypocondrie… » Il défend l'idée « d'orthorexies au pluriel », pour penser le comportement alimentaire dans toute sa complexité. Une définition à laquelle adhère Sophie Tercafs : « Je pense qu'il y a autant d'orthorexies que d'orthorexiques. »

« Notre société est devenue orthorexique »

Les chercheurs pensent de plus en plus que le contexte sociétal est le véritable terreau de ce comportement alimentaire. Pour Jean-Michel Lecerf, c'est «notre société tout entière qui est devenue orthorexique ». Le nutritionniste estime que « la tendance à la hausse de l'orthorexie » s'explique par « les discours sociétaux et les scandales sanitaires gonflés par les médias et les réseaux sociaux ». Alexandre Chapy souligne lui aussi « leur influence indéniable, en particulier celle d'Instagram », réseau centré sur l'image. En 2017, deux chercheurs de l’University College de Londres, Pixie Turner et Carmen Lefevre, faisaient le lien entre l’usage d’Instagram et une hausse de l’orthorexie, dans une étude publiée dans la revue Eating and Weight Disorders . Les deux auteurs notaient que l'exposition à certains contenus y crée une chambre d'écho et donne l'impression que certains points de vue sur l'alimentation sont plus répandus qu'ils ne le sont réellement. L'article rappelle le rôle de la comparaison dans la perturbation de son image corporelle.

Dans l'attente d'une éventuelle reconnaissance, des prises en charge sont expérimentées. Pour Clotilde Lasson, on peut envisager de reprendre le modèle utilisé lors d'autres TCA. Jean-Michel Lecerf, quant à lui, prône l'éducation au plaisir de manger. « Il faut montrer l'alimentation comme un moyen de plaisir et de partage, et plus comme quelque chose de purement utilitaire », estime-t-il. Pour lui, la guérison passe par « une éducation positive sur les aliments, sur leur histoire, leur origine, leurs goûts ». Somme toute, une alimentation plus intuitive.

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